En avril 1955, l’Institut de microbiologie et d’hygiène de l’Université de Montréal, aujourd’hui nommé Centre Armand-Frappier Santé Biotechnologie de l’INRS, commence la construction d’un nouveau pavillon à Laval-des-Rapides, le pavillon 12. Celui-ci porte le nom de Pavillon d’Hérelle, en hommage au microbiologiste français Félix d’Hérelle, qui a découvert les bactériophages.
Les raisons de la construction
Le bâtiment est érigé dans le cadre de la lutte contre la poliomyélite (ou plus communément appelé la polio), une maladie infectieuse virale et contagieuse qui atteint principalement des enfants de moins de cinq ans. Le pavillon 12 voit le jour grâce au gouvernement du Québec qui verse une subvention de deux millions de dollars à l’Institut pour la recherche sur le vaccin antipoliomyélitique. Avant la construction de ce pavillon, l’Institut avait déjà débuté en 1954 la mise au point du vaccin. La construction de ce pavillon est perçue comme un geste pionnier au Canada et au Québec, puisque les grands laboratoires sur la recherche des maladies à virus ne sont présents qu’aux Connaught Medical Research Laboratories de l’Université de Toronto.
Érigé en 1955, l’inauguration officielle du pavillon se tient en avril 1956. Maurice Duplessis, alors premier ministre du Québec, ainsi que Paul Martin, ministre fédéral de la Santé nationale et du Bien-Être social, sont au nombre des dignitaires présents pour l’événement. Au nombre des autres personnalités présentes ce jour-là, on retrouve le recteur de l’Université de Montréal, Mgr Irénée Lussier, de même que le ministre québécois de la Santé, le Dr Albini Paquette.
L’architecte et la conception du pavillon 12
Les plans de ce bâtiment proviennent de l’architecte montréalais Emmanuel-Arthur Doucet. Ce dernier est né en 1888 au Massachusetts aux États-Unis, déménage au Canada au début des années 1900. Il obtient un diplôme en architecture de l’École Polytechnique de Montréal en 1912. Au cours de sa carrière, il œuvre principalement sur des édifices à Montréal. Il est entre autres connu pour l’architecture de l’église catholique Notre-Dame-des-Victoires et son implication dans l’élaboration du théâtre Granada, aujourd’hui appelé le théâtre Denise-Pelletier.
Le bâtiment 12, construit au coût de 800 000$ (dont 600 000$ proviennent du gouvernement du Québec), est en forme de la lettre L. D’un style institutionnel typique des années 1950, il a une superficie de 12 000 pieds carrés (300 pieds de long par 45 pieds de large). Le bâtiment est réparti sur deux étages ainsi qu’un sous-sol. Le pavillon 12 est construit afin d’abriter des laboratoires de virologie et des laboratoires de production de vaccins contre la polio, la grippe et autres maladies virales.
L’utilisation du pavillon 12
Une fois construit, l’édifice sert principalement à la production du vaccin antipoliomyélitique de méthode Salk, un vaccin de type inactivé découvert par le biologiste américain Jonas Salk en 1953. Le vaccin de Salk permet au sang de produire des anticorps contre la polio. Les anticorps produits par le sang grâce au vaccin sont semblables aux anticorps produits par les personnes naturellement immunisées à cette maladie. En 1957, grâce à la construction de cet édifice, l’Institut produit ses premiers vaccins antipolio Salk et les distribue aux Services de Santé au coût de 1,50$ la dose. Le vaccin antipoliomyélitique est produit grâce à la culture de tissus provenant de reins de singes rhésus (Macaca Mulatta). Pour cette raison, des locaux du sous-sol du pavillon 12 sont utilisés pour abriter des milliers de ces primates importés d’Inde.
En plus du vaccin Salk, la production de vaccin contre la grippe asiatique est aussi en marche à cette époque. Lors de l’éclosion de la grippe asiatique en 1957, l’Institut est le premier à distribuer le vaccin aux Services de santé et de l’Armée canadienne. Pendant une dizaine d’années, une portion du bâtiment sert à fabriquer le vaccin contre l’influenza. Les laboratoires ont la capacité de produire plus de six millions de doses de vaccin annuellement. Le pavillon sert aussi de laboratoire pour la recherche sur les virus respiratoires.
Le gouvernement de l’époque pouvait donc s’appuyer sur l’Institut pour répondre à la demande de production de vaccins. Ce bâtiment aura servi à la production du vaccin antipoliomyélitique, du vaccin contre l’influenza et la grippe asiatique. Il aura ainsi servi à protéger la population canadienne des maladies virales.
Aujourd’hui, le pavillon d’Hérelle maintient sa vocation scientifique, alors qu’il abrite le service de recherche en épidémiologie, en plus d’héberger différents services administratifs, dont Service des archives et de la gestion documentaire de l’INRS.
Félicia Joly
Stagiaire en Techniques de la documentation au Collège Lionel-Groulx, hiver 2023
Toutes les photographies proviennent du fonds d’archives de l’Institut Armand-Frappier, sauf le portrait d’Emmanuel-Arthur Doucet (tiré de Raphael Ouimet, Biographies canadiennes-françaises, Ottawa, J.A. Fortier, 1926, page 318; récupéré sur https://collections.banq.qc.ca/ark:/52327/2634229 en mars 2023)